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Escalade des tensions commerciales entre le Maroc et l'Égypte : Vers une révision des accords et des stratégies économiques

Tensions commerciales Maroc-Égypte

Escalade des tensions commerciales entre le Maroc et l'Égypte : Une visite officielle pour résoudre la crise

La crise des exportations entre le Maroc et l'Égypte entre dans une nouvelle phase avec la visite imminente du ministre égyptien du Commerce extérieur et de l'Investissement, l’ingénieur Hassan El-Khatib, prévue à Rabat jeudi prochain. Il est prévu qu’il rencontre Omar Ahjira, Secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, dans le but de trouver une solution à la problématique du blocage des marchandises dans les ports marocains et égyptiens, après un accord entre les experts des deux pays pour une gestion progressive des cargaisons en attente. Cette initiative s’inscrit dans un cadre de discussions approfondies entre les deux parties sur les dysfonctionnements dans l’application de l’« Accord d’Agadir » de libre-échange, qui réunit, en plus du Maroc et de l’Égypte, la Tunisie et la Jordanie.

Cette visite fait suite à une rencontre entre des responsables marocains et une délégation d’experts égyptiens dirigée par la docteure Amani Wessal, responsable du secteur des accords et du commerce extérieur, lors de laquelle les discussions ont porté sur la crise des exportations bilatérales. Toutefois, avant ces négociations, la partie égyptienne a pris la décision de suspendre l’inspection des exportations alimentaires destinées au Maroc, sur la base d’instructions de la Direction de la Surveillance des Exportations Alimentaires, relevant de l’Autorité nationale de Sécurité Alimentaire. Cette mesure a été justifiée par la situation actuelle dans les ports marocains, où de nombreuses cargaisons de produits agricoles et alimentaires se sont accumulées ces derniers jours.

Une tension commerciale récurrente entre les deux pays

Cette situation évoque un incident similaire survenu il y a environ quatre ans, lorsque Moulay Hafid El Alamy, alors ministre de l’Industrie et du Commerce marocain, accusa son homologue égyptienne de saboter l’accès des marchandises marocaines au marché égyptien, ce qui l’amena à prendre des mesures similaires à l’égard des importations égyptiennes. Cet épisode marqua un point de tension significatif entre les deux pays, mettant en lumière les mesures non douanières adoptées par l’Égypte pour ralentir l’entrée des produits marocains, notamment les voitures, en augmentant les contrôles et inspections, tandis que le Maroc privilégiait une approche plus souple vis-à-vis des marchandises égyptiennes. Cela contribua à un déséquilibre commercial en faveur de l’Égypte.

Un déficit commercial croissant en faveur de l'Égypte

Les dernières données du Bureau des Changes révèlent l’aggravation du déficit commercial entre le Maroc et l’Égypte. La valeur des importations marocaines en provenance d’Égypte est passée de 475 millions de dirhams en 2023 à 804 millions de dirhams, un mois avant la fin de l’année précédente. En revanche, les exportations marocaines vers l’Égypte ont chuté de 17 millions de dirhams à 11 millions durant la même période. Les statistiques montrent également que les exportations égyptiennes vers le Maroc ont connu une croissance significative depuis 2018, atteignant alors 360 millions de dirhams, principalement constituées de céramiques, produits alimentaires, fruits et légumes, tandis que les exportations marocaines vers l’Égypte n’ont pas dépassé les 5 millions de dirhams.

Dans ce contexte, Mowane Al-Kessiri, analyste des marchés commerciaux, a souligné que « la structure actuelle des échanges montre la domination des produits égyptiens, notamment dans les secteurs de la céramique, des produits alimentaires, et des fruits et légumes, ce qui reflète une demande croissante au Maroc pour ces biens, tandis que les exportations marocaines rencontrent des difficultés à pénétrer le marché égyptien ».

Il a ajouté que cet écart résulte de facteurs concurrentiels et structurels, parmi lesquels la faiblesse de la promotion commerciale des produits marocains, la difficulté d’accès au marché égyptien, ainsi que l’impact négatif de l’Accord d’Agadir, qui n’a pas permis d’équilibrer les intérêts des deux parties. Il a également insisté sur la nécessité d’adopter de nouvelles politiques pour soutenir les exportations marocaines, que ce soit en stimulant la production exportable ou en révisant certaines politiques commerciales afin de garantir une concurrence équitable, mettant en garde contre le fait que « l’absence d’interventions appropriées conduira à une dépendance économique accrue et à un encombrement du marché national par des produits importés, ce qui exige des mesures urgentes pour rétablir l’équilibre des échanges commerciaux ».

L’expérience égyptienne sur le modèle turc

L’Égypte suit le modèle turc en tirant parti des avantages accordés par l’Accord d’Agadir, avec un afflux croissant de produits égyptiens sur le marché marocain, en particulier dans les secteurs du textile et de l’agroalimentaire. Cette situation suscite des inquiétudes chez les acteurs économiques marocains, qui considèrent cette concurrence déloyale comme une menace pour l’industrie locale, à l’instar de ce qui s’est produit avec les produits turcs dans le passé, poussant le Maroc à imposer des mesures de protection sur certaines importations en provenance de Turquie.

À cet égard, Sufian Harakat, expert économique spécialisé dans le commerce international, a indiqué que « les secteurs du textile et de l’agroalimentaire sont les principaux bénéficiaires de cette ouverture, profitant de faibles coûts de production en Égypte, ce qui exerce une pression croissante sur les entreprises marocaines ».

Il a ajouté que « l’expérience turque a montré que l’absence de mesures préventives peut affaiblir l’industrie locale, comme ce fut le cas lorsque le Maroc a dû imposer des droits de douane supplémentaires sur certains produits turcs ». Harakat a conclu en soulignant que « le Maroc doit réévaluer sa stratégie commerciale pour garantir la protection de son tissu industriel tout en préservant ses relations économiques avec ses partenaires internationaux, en renforçant la compétitivité des produits locaux, en améliorant leur qualité, en réduisant les coûts de production et en adoptant, le cas échéant, des mesures non douanières pour réguler les flux commerciaux ».

L’avenir des échanges commerciaux entre le Maroc et l'Égypte

Face à ces défis, la question demeure : comment le Maroc gérera-t-il cette situation ? Recourra-t-il à des mesures de protection similaires à celles prises contre les produits turcs, ou cherchera-t-il d’autres solutions pour atténuer l’impact de cette concurrence inégale ? Il est certain que la prochaine phase nécessitera une réévaluation complète des relations commerciales entre les deux pays, afin d’assurer une coopération économique plus équilibrée.

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